Grand marcheur en
sandales, amoureux de la montagne qu'il parcourt en dehors des sentiers battus,
il s'inspire de ce qu'il voit , revisitant à l'aquarelle les lieux
qu'il fréquente depuis l'enfance, et piochant dans son entourage les
personnages qu'il dote de destins épiques
Il gardera toute sa vie le goût de la solitude et de l'espace nécessaires
à sa création, et le besoin de s'imprégner sans cesse
des paysages qui l'ont construit.
Il laisse en héritage à ses enfants et à ceux qui l'ont connu, outre son uvre graphique, ses valeurs humanistes et de sensibilité au monde, ainsi que le refus de toute compromission, fils conducteurs de son existence.
Publié dans les
pages du magazine " Métal Hurlant ", Michel Crespin sort
son premier album de BD en 1979 aux Humanoïdes Associés : "
Marseil ", premier de la série Armalite
16 , qui comporte quatre albums chez le même éditeur.
Plantés dans le décor des montagnes des Hautes-Alpes dans une
ère post-atomique, ces albums racontent la résistance d'un groupe
de jeunes montagnards contre l'envahisseur totalitaire.
Chez le même éditeur suit " Attentes ", recueil d'histoires brèves où il met en scène par petites touches les dérives d'un monde moderne, prédateur et pragmatique, qui met l'homme et la nature en péril.
A partir de 1991, Michel
Crespin ,qui se définissait comme un " raconteur d'histoires dessinées
" explore le Moyen-Age avec " Troubadour ", série
en trois " brins ", publiés chez Vent d'Ouest. Là
encore apparaissent ses thèmes de prédilection : sur fond de
lutte fratricide, c'est le passage d'un monde ancien où la nature délivrait
ses secrets aux hommes attentifs, à un nouvel ordre sourd et brutal,
obsédé par le pouvoir temporel.
Chez Vent d'Ouest toujours, et pour la première fois avec un scénariste,
Karel Dhoyen, il publie le premier tome de " Faust-le remords de Dieu
", puis chez Casterman " Faust d'Heidelberg-l'étudiant
" second tome de la série.
Publié au japon
chez Kodansha, le manga " Elie " paraîtra en France
chez Casterman en 1996 .
Album en noir et blanc où la nature est plus bavarde que les hommes,
" Elie " puise son inspiration dans l'enfance : observateur
quotidien de ses propres enfants dans leur hameau du Champsaur, Michel Crespin
dessine l'enfance des rêves et des chagrins, mêlée aux
souvenirs qui lui sont propres : ici, la solitude, terreau de croissance pour
la sensibilité, exalte la familiarité avec les rochers et l'eau,
la neige et la lumière ; " Elie " rend hommage à
la nature et à l'enfance, et évoque les premiers déchirements
de l'innocence face au monde des adultes.
En parallèle, Michel
illustre des textes de " Je Bouquine " et des livres pour enfants
d'Eric Boisset chez Magnard.
Il travaille aussi pour un grand nombre d'ouvrages collectifs contre le nucléaire,
pour Greenpeace, pour Amnesty International, pour l'aide aux Taulards, pour
les innus, pour les enfants des cités, sans oublier la défense
de ses montagne et de sa région.
Il reçoit des prix aux festivals d'Angoulême, d'Audincourt, de
Saint-Malo, de Pertuis et de Blois, où des expositions lui sont consacrées.
Il laisse inachevée
l'uvre sur laquelle il travaillait, " Ruisseau de sable ",
avec la scénariste de BD , journaliste et amie : Laurence Harlé.
Pour ce projet signé chez les éditions Dargaud, et toujours
dans le souci de s'imprégner des paysages où se situerait l'aventure,
il avait fait un voyage aux Etats-Unis sur la piste des descendants des rares
Cheyennes réchappés du massacre de Sand Creek, Colorado.
Depuis octobre 2001, Michel
était également en résidence d'artiste à la Motte
du Caire (Alpes de Haute-Provence) pour le projet "Le Sentier des Contes", La route des rochers
qui parlent. " http://www.sentierdescontes.com/sentier-conte/itineraires/itineraires-enigme.htm
Sorti en octobre 2008, l'album " Villa Toscane " (récit de Greg Newman-Philippe Aubert, dessin et couleurs de Michel Crespin) est publié, à titre posthume, chez Futuropolis. Commandé initialement par Les éditions du Lombard en 1992 pour la collection " Histoire & Légende ", qui s'est entre-temps arrêtée, le récit achevé était resté dans les cartons de Michel Crespin. L'intégralité des planches a été retrouvée à l'occasion d'une exposition rétrospective qui lui a été consacrée à Angers : l'album est enfin publié !
Son uvre
très personnelle a été saluée de façon
unanime par la profession :
hommage à l'artiste de grand talent, solitaire et sans concession,
loin des modes et des " airs du temps ", mais aussi à l'homme
sensible et doux, à " l'humilité orgueilleuse ", convaincu
que la fréquentation joyeuse et libre de la nature est le plus sûr
moyen d'éveiller l'homme à la Beauté.